Inspiration/Échec
Comment tout ceci à pu se fondre dans un mouchoir de poche?
C’est une pièce maîtresse, là, trônant au milieu du tout.
Je suis seul à l’entrevoir. À la voir, la re(s)-sentir, sans jamais la serrer, serrer, serrer. Mouvements furtifs, opacité changeante, éclairs saccadés: elle est là, simplement là.
Un espace sans fond, sans limites. Élastique, plastique, chair, eau, mastic, feu, terre, pixel, typographie. Matière multiple, se faufilant, la toucher délicatement. Veux-tu la comprendre? Non, disons plus l’apprendre, la malaxer.
La mémoire et ses traces: destinée invisible qui s’avance sans jamais se révéler pleinement. Le choix — ou illusion de choisir (?).
L’animal s’en est allé au plus profond de la forêt, accueilli dans l’obscurité maternelle de la différence. Rien n’y fait, le souffle des chasseurs ne cesse de traquer sans faiblir, sans relâche. Qu’importe la prise, la génération suivante finira la besogne.
Sensible, je suis. Humains, nous paraissons.
Malaxer la matière, insuffler la respiration.
Redonner vie à l’inerte, éveiller ce qui sommeille. Ni morte, ni vivante, elle, juste là, dans l’ombre, sous l’éclat fragile et vacillant d’une flamme coulant vers le haut.
Terre, muscle, pâte, amour — la vitalité au bout des doigts.
Animal, malaxes-tu toi aussi?
Inspiration et échec
Un tourbillon enivrant. Des mouvements sans fin. Ils s’affrontent, se frôlent, s’épient sans jamais se heurter, courant pieds nus à travers la rivière glaciale d’une enfance qui, pour moi, s’est étouffée comme un cri sous l’eau.
Souvenirs, mémoire… où êtes-vous? Où cela s’arrêtera-t-il?
N’est-ce pas là l’odeur du feu? Une profondeur brûlante, sauvage. Une moxibustion régénératrice. Une force qui consume pour créer, qui encens pour avancer. Perdre et avancer, toujours un pas perdu, toujours répété. Avancer!
L’échec, envoûtant et cruel, bête fascinante, pourfend des brèches invisibles. Il révèle des chemins insoupçonnés, menant aux lendemains meilleurs. Il arrache la lassitude, pulvérise l’habitude castratrice, et fait place à la routine féconde — celle qui nourrit le geste et qui s’élève à l’excellence.
Inspirer le parfum de la guérison. Suffoquer sous la terre et le feu. Des parfums bruts, éléments sauvages et éphémères, qui s’unissent pour ancrer au plus profond des entrailles un souffle agile, fr-agile.
L’ambiance épaisse du doute l’entoure, s’élève. L’inattendu survient, le futile prend forme. Là, peut-être, viendra le succès tant désiré.
Désiré, ne jamais pleinement advenir, garder l’élan. C’est dans l’inassouvi que réside l’élan, le paon, l’éléphant même qui te protègent de l’aigreur et du dégoût.
C’est là que naît la flamme, vacillante, prête à vivre, prête à mourrir, au moindre claquement de doigts.
Rester au bord du ponton qui me mène vers toi, sans jamais pouvoir t’enlacer.
Peu importe l’envie, l’obligation, ou le devoir qui m’habite au pied du lit. Déjeunons d’abord, soyons en vie.
Mais pourquoi le verbe moxibuster n’existe-t-il pas? Voilà qui ferait un bon fou! J’encense les sens, je malaxe la terre, mes pieds moxibustés dansent sans jamais s’éteindre.
Malaxer, un verbe et ses lettres de noblesse. Une mission dans ses syllabes, une gravité. Moxibuster devrait avoir les siennes, un art qui éveille, qui soigne, qui insuffle. J’existe.
- Le sud et le souvenir.
Le soleil frappait les cimes des vagues Océanesques. Ici, au sud de Taiwan, l’automne portait déjà l’empreinte estivale. Et pourtant, ce n’est pas là que mes souvenirs s’agrippent. Ils glissent sur les rivages, fuient les côtes. Ce que je garde de ce lieu, un sentiment étrange: le mélange inattendu d’un bien-être profond et d’une solitude douce.
Si je devais choisir un deuxième prénom, ce serait Malaxé.
Pourquoi cet attrait pour la matière? Ce besoin de toucher, de transformer, de trouver une mission, de contacter « un autre » moi-même? Se parler, se retourner, s’offrir matière à réflexion. Ne pas être seul, va savoir
- Le sud, toujours.
Ces pays où le cœur du monde est plus chaud, s’échauffe à la première étincelle. Ces terres où avant même de grandir vos joues sont déjà rougies. Même plus grand, encore, on les prend à être pincées d’amour.
Mangia, mangia che cresci!
Grandir grâce à la matière, la sentir vous traverser, naviguer tout au long d’un circuit veineux, et s’expulser en dehors, là où tout reste à découvrir.
Si je devais un jour renaître, mon prénom, Malaxé, ne pas l’oublier je serai Malaxé
- Les arts martiaux
Et plus particulièrement le judo, m’ont offert bien plus qu’un simple exercice physique. Ils ont été une source d’inspiration, un terrain où j’ai exploré le respect, la mutualité, et le sens du partenariat.
Des heures passées au sol, à malaxer des techniques à travers un beau lourd judogi. Un tissu qui ne peut empêcher de ressentir le souhait de l’autre: sa crainte ou sa confiance, tout ce qu’il projette en toi. Écouter et ne pas se perdre dans l’émotion du gain, de la perte.
Est-ce cela, être en vie ? Recevoir la vie comme on reçoit un massage digne de ce nom. Être en vie, accepter les échecs, des sources inépuisables d’inspiration et d’évolution.
Et l’écrivain, que fait-il sinon malaxer les mots? Il cherche, encore et encore, à en tirer la noble saveur du rythme. Le rythme de la vie, de ses couleurs, de ses contrastes. Il plonge dans l’abîme de ce que chaque mot transmet au monde. Une transmission possible alors que l’énergie émotionnelle qui l’a traversée, bien avant de devenir caractères, était pure énergie ou…difficile à dire.
L’écriture, comme les arts martiaux, demande d’apprivoiser des techniques. Sans elle, on reste dans l’ébauche, le brouillon. Mais sans art, on n’est qu’un courrier d’événements.
L’écrivain cherche autre chose. Il oublie le « perdre » et le « gagner », ces états rigides qui nous enferment, pour exploser dans le sensible, l’humain. Quoique le succès qu’en est-il?
L’artiste artisant – et ses outils nombreux qui ne demandent qu’à ce que le corps devienne antenne fébrile.
Ce qui bouge en dedans comme en dehors devient unique, prend source d’inspiration, mouvements perpétuels, retour vers le futur.
Ressentir la pression.
- Ressentir, écouter, comprendre.
Les arts martiaux m’ont offert un trésor inestimable: celui de percevoir l’instant avant qu’il n’arrive. Deviner ce qui devait ou pouvait advenir, comme une danse subtile entre pensées qui s’entrelacent. Une clé, un étranglement, un étouffement — non pas comme un triomphe, mais comme le fruit d’un chemin parcouru. Ni victoire ni défaite, mais un voyage, celui de la réflexion-expérimentation.
- Stimulant.
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- Créatif.
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- Admirable.
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- Créatif.
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C’est pour moi le moment de faire une confidence qui me titille depuis un bon nombre d’années sur comment, sur raison ou pas, sur dénigre ou pas.
Le MMA n’est pas un art martial.
Aussi noble et spectaculaire soit-il, il reste un combat brut. Son essence? Faire mal, frapper fort, assommer rapidement et violemment. Aucun jugement moral ici, c’est un constat et c’est sa force. Pourquoi lui donner une autre vie?
De la même manière qu’il serait absurde de confondre pornographie et amour. La noirceur de notre nature a sa place, avec ses instincts les plus primaires. Mais l’appeler « amour », c’est trahir l’essence même du mot.
La motivation qui pousse au geste fait toute la différence alors même que le résultat semble identique
Les mots, comme les actions, ont un sens. Un art martial à le sens qu’il mérite: art – qui tire vers le haut – où l’évolution est possible tout au long de sa vie brève ou centenaire. Il n’est pas question de force physique sinon dans la compétition et l’encadrement qui lui est propre.
Ils portent une mission: transmettre une histoire, un sentiment, une tradition, une croyance et la culture d’un pays.
C’est un formidable outil pour exprimer la profondeur de notre intériorité. Mais quand ces mots sont dévoyés, leur sens tordu pour mieux séduire ou dominer, étouffe toute noblesse, tout respect, tout égard à l’autre. L’art lui-même s’efface pour introniser l’efficacité et le pouvoir.
Dans un combat dit « de rue », la vie s’arrête bien avant la quarantaine. À coups de blessures, de lassitude, d’une performance qui décline inexorablement. L’évolution manque de souffle, s’étouffe.
La flamme vacillante finit par s’éteindre. Et dans cette obscurité, la noirceur devient la seule lumière. L’œil s’y habitue. Nous nous y habituons.
À force, la nuit devient le jour. L’oubli s’installe, prend place, jusqu’à se substituer à la réalité. La violence devient art, la brutalité de l’homme a terre inconscient, continuellement frappé, devient victoire sous l’acclamation d’une foule chauffée à blanc
« Qu’en est-il des minuits? »
Ces instants suspendus, à mi-chemin entre l’effondrement et la renaissance. Ces seuils fragiles où la nuit hésite encore à s’effacer, et où le jour n’est pas encore né. Sont-ils aussi oubliés ?
Non!
C’est ce qu’est l’art.
La fine création qui redéfinit la motivation, qui sublime sa nature.
Où le geste, jumeau à première vue, se révèle être d’un autre temps, d’une autre matière.
Femme, et non homme.
L’art martial ouvre un chemin vers la performance, sans jamais s’y réduire. Il invite à grandir, à évoluer, jusqu’au dernier souffle. Là réside sa vraie grandeur: un art qui ne consume pas. Une promesse, une simple lumière au loin qui prête à réfléchir et à guider dans la tempête. Une destination éventuelle.
L’art ouvre le chemin à la performance, sans jamais s’y réduire
SE DÉVOILER
Ai-je le droit de faire des confidences ?
Un secret, habituellement enfoui, est mis en lumière. Une ligne invisible est née : entre le dire et le taire.
C’est intime, tout de même. À quel moment une confidence devient-elle trop grande pour tenir dans le creux de la main ?
Est-ce un besoin de se dévoiler, ou un désir d’être considéré ?
Quand je dévoile une part de moi, est-ce un cadeau ou un poids ? Une météo qui annonce des tornades, ou un souffle qui apaise ?
Et toi, vas-tu m’écouter, ou claquer la porte derrière moi ?
- Que puis-je dire ?
- Que puis-je entendre ?
- Que puis-je comprendre ?
- Face à moi, apprends-moi.
